40.
Vendredi 20 avril
Ce matin-là, le puisatier part avec Elias à la découverte d’une chambre magmatique nouvellement percée en territoire salvadorien. Je ne résiste plus à l’envie de les accompagner. Deux heures plus tard, nous survolons le volcan Izalco. Arrivé au puits, je demande à mon père de monter dans le spéléoscaphe avec lui. Ma requête le rend fou de joie et, aussitôt dit, il m’installe dans le pendule. J’ai bien un serrement de cœur quand nous commençons à descendre dans l’œsophage ténébreux de la terre, mais mon angoisse fait vite place à l’émerveillement quand je découvre la lumière des nuits, la magie des feux de couleur, l’enfer natif d’avant la sécession des anges. Je ris de bonheur. Père me regarde avec contentement. Son visage est un flambeau qui irradie la nuit. J’ai la fête en moi quand je refais surface.
De retour au domaine, je regagne le pavillon et je sors mon journal de sa cachette. Il est fait de papier et d’encre maintenant. J’ai mis en couverture une page bleue avec ces mots écrits avec un fin pinceau :
« Tu seras de mon secret toi qui acceptes d’être de mon partage. »
Je murmure cette phrase qui n’est pas du prince mais du faussaire. Je soupèse cette liasse de feuilles, mon viatique.
Dans la nuit tropicale, je rêve que tu m’as lu et que je vais te trouver dans la chambre, offerte à l’amour. J’espère l’onction de tes larmes sur mon épaule, l’étreinte patriarcale de mes mains qui te consolent, la fertilité de ton ventre. J’ai moins peur du monstre qui m’habite pour moitié, qu’il ne renaisse. Je m’imagine te disant :
— Les deux étoiles de ton regard m’ont tiré du puits des abîmes. Je suis avec toi en terre promise.